Cancers de la peau et exposition solaire

Janvier 2018
Depuis 2015, l’équipe E3N exploite les données d’une enquête cas-témoin nichée, E3N-SunExp, qui inclut 1 558 cas de cancers cutanés (366 cas de mélanome, 1 027 cas de carcinome baso-cellulaire (CBC), 165 cas de carcinome spino-cellulaire (CSC)) et 3 647 témoins appariés aux cas sur l’âge, le département de naissance, le niveau d’études et le temps de suivi dans la cohorte.
Les différents types de cancer de la peau
Les cancers de la peau sont les néoplasmes les plus fréquents dans les populations Caucasiennes. Les carcinomes cutanés représentent 90 % des cancers de la peau ; ils incluent le carcinome basocellulaire (CBC), qui est le type le moins dangereux puisqu’il n’induit que très rarement des métastases, et le carcinome spinocellulaire (CSC).
Les cancers de la peau les moins répandus mais les plus graves, les mélanomes se manifestent généralement par une petite tache pigmentée sur la peau saine ou par la modification d'un grain de beauté préexistant. Dans les pays occidentaux, leur nombre ne fait qu'augmenter. Chaque année, environ 1 700 personnes en meurent en France, soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.
L'exposition excessive au soleil est le facteur de risque principal : il expliquerait deux tiers des cas. Il existe aussi des facteurs génétiques : les personnes à « phototype clair » (yeux bleus, peau claire, cheveux blonds ou roux) sont par exemple plus sujettes à développer un mélanome.
Exposition aux rayonnements ultraviolets et cancers de la peau
L’exposition aux rayonnements ultraviolets (UV) est le facteur de risque environnemental le plus important des cancers de la peau. Cependant, les relations entre expositions UV et cancers cutanés est complexe, et peu d’études ont permis d’évaluer ces associations avec les différents types de cancer cutané.
Nous avons étudié les associations entre exposition résidentielle et récréationnelle aux UV et le risque des trois types de cancers cutanés. Nous avons observé qu’un antécédent de coups de soleil avant l’âge de 25 ans était associé à un risque plus élevé de tous types de cancers cutanés, en particulier de mélanome, alors que les antécédents de coups de soleil après 25 ans étaient associés à un risque accru de CBC et CSC uniquement.
L’utilisation de crème solaire avec un indice de protection solaire élevé avant l’âge de 25 ans était associée à un risque moindre de CBC ; en revanche, après 25 ans, cette utilisation, ainsi que la réapplication de la crème solaire pendant l’exposition, étaient associées à un risque accru des trois types de cancers cutanés, suggérant un effet « d’abus de crème solaire » impliquant une exposition prolongée au soleil et l’intention de bronzer chez les utilisateurs.
Nous avons également observé des associations positives et linéaires entre le score UV total (calculé à partir du temps passé à l’extérieur à chaque période de la vie, pondéré par les comportements de protection solaire à chaque période) et le risque de CBC et CSC, mais pas de mélanome. Enfin, le score UV récréationnel (exposition solaire lors de loisirs) était associé fortement au risque de CBC, alors que les scores UV total et résidentiel étaient fortement associés au risque de CSC.
Au total, nos résultats suggèrent que le mélanome est associé aux expositions solaires intenses dans l’enfance, alors que le CSC est associé aux expositions chroniques au cours de la vie, et le CBC aux expositions récréationnelles quel que soit l’âge de l’exposition.
Cancers de la peau et compléments solaires
Dans cette même étude E3N-SunExp, des analyses préliminaires montrent que les femmes qui ont régulièrement pris des compléments solaires (riches en bêta-carotène) « en préparation de la peau au soleil » avant, pendant ou après une période d’exposition solaire dans les 10 années précédant le questionnaire (2008) avaient un risque accru de carcinomes cutanés, en particulier de CBC. Des analyses plus spécifiques sont en cours afin d’approfondir ces résultats, et de déterminer notamment s’ils sont liés à un effet nutritionnel ou comportemental vis-à-vis de l’exposition solaire.
Qui sont les utilisatrices des cabines de bronzage ?
L’équipe a également étudié le profil des femmes utilisant des cabines de bronzage parmi les témoins de l’étude E3N-SunExp, c’est-à-dire les femmes indemnes de cancer. Dans cette étude, l’utilisation de ces cabines était associée à l’intention de s’exposer au soleil, à une pigmentation plus claire et à plusieurs comportements à risque pour la santé (tabac, consommation d’alcool plus élevée, niveaux d’activité physique plus faibles, nombre plus élevé de coups de soleil). Ces résultats, qui montrent un profil à risque, notamment vis-à-vis des cancers cutanés, appellent au développement de davantage de stratégies de prévention ciblées pour réduire l'utilisation des cabines de bronzage.
Références bibliographiques :
Savoye I, Cervenka I, Saleh YM, Boutron-Ruault MC, Kvaskoff M. Factors Associated with Sunbed use in Women: the E3N-SunExp Study. Am J Health Behav. 2018 Jan 1;42(1):85-98.