Hormones féminines et cancer du poumon et des voies aérodigestives supérieures
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Contexte
Les hommes ont plus de risque que les femmes de développer un cancer du poumon ou des voies aérodigestives supérieures (bouche, gorge, larynx, œsophage). Au-delà du rôle bien connu du tabac sur le développement de ces cancers, les hormones sexuelles peuvent-elles influencer ce risque ?
Des études biologiques ont montré que les hormones sexuelles stéroïdiennes jouent un rôle important dans le développement des cancers du poumon et des voies aérodigestives supérieures. En effet, au niveau hormonal, la fonction du récepteur aux œstrogènes β est essentielle pour la formation normale des tissus du poumon, de la tête et du cou. Ainsi, l’absence de ces hormones pourraient induire certaines pathologies.
Des études épidémiologiques ont également exploré cette question mais leurs résultats étant contradictoires, des chercheurs de l’équipe l’ont posée dans la cohorte E3N-Générations : les hormones féminines jouent-elles un rôle sur le risque de cancer du poumon et des voies aéro-digestives supérieures ?
Population de l’étude
91 114 femmes de la première génération de la cohorte, nées entre 1925 et 1950, ont été incluses dans cette étude. Parmi elles, 398 ont développé un cancer du poumon et 157, un cancer des voies aéro-digestives supérieures (VADS) au cours du suivi. Chez les 398 femmes ayant développé un cancer du poumon, il est important de souligner que 152 n’avaient jamais fumé ; il y avait également 67 non fumeuses parmi les cas de cancer des VADS.
L’équipe a étudié si certaines caractéristiques hormonales (règles précoces ou tardives, durée des cycles menstruels, nombre de grossesses, âge de la ménopause, prise de contraceptifs et de traitements hormonaux) étaient associés au risque de cancer du poumon ou des voies aéro-digestives supérieures.
Résultats sur le cancer du poumon
Les résultats montrent que des cycles menstruels courts (≤ 24 jours) sont liés à un risque plus élevé de cancer du poumon, même chez les femmes n’ayant jamais fumé. Plus précisément, nous avons constaté une augmentation de 35 % du risque de cancer du poumon chez les femmes aux cycles menstruels courts par rapport aux femmes ayant des cycles d’une durée de 25 à 30 jours.
Sur le plan biologique, des cycles menstruels courts pourraient augmenter l’exposition cumulée aux œstrogènes endogènes, car les femmes ayant des cycles courts connaissent un plus grand nombre de cycles au cours de leur vie reproductive. Certaines études suggèrent que cela pourrait avoir un effet protecteur, quand d’autres indiquent que cela entraînerait une augmentation du risque de cancer du poumon. Ces dernières ont montré que les cycles très courts ou très longs sont associés à davantage d’absence d’ovulation par rapport aux cycles normaux. Ainsi, le lien entre cycles courts et risque accru de cancer du poumon reste plausible, mais via des mécanismes complexes qui nécessitent plus de recherches.
Résultats sur les cancers des voies aérodigestives supérieures
Chez les femmes E3N-Générations, nous avons observé qu’avoir eu trois enfants (ou plus) réduit le risque de développer un cancer des voies aérodigestives, que les femmes soient fumeuses ou non. Plus précisément, le risque de cancer des VADS est réduit de 60 % chez les femmes ayant eu 3 enfants (ou plus) par rapport aux femmes n’en ayant pas eu.
Ces résultats concordent avec une analyse du consortium INHANCE qui montre une baisse du risque de cancer de la tête et du cou chez les femmes ayant eu des enfants.
Les mécanismes biologiques sous-jacents à cette diminution de risque restent débattus, mais nos résultats confortent l’hypothèse que les œstrogènes puissent jouer un rôle protecteur. Cette hypothèse est renforcée par des données montrant une expression accrue des récepteurs aux œstrogènes dans plusieurs carcinomes de la tête et du cou. De plus, il a été observé en laboratoire que l’estradiol, principal œstrogène pendant la période reproductive, réduit la croissance et la viabilité des cancers positifs au papillomavirus dont le cancer de la gorge fait partie.
Conclusion
Ces résultats appuient l’idée que les hormones féminines jouent un rôle dans le développement du cancer du poumon et des voies aérodigestives supérieures, indépendamment du tabac qui est le facteur de risque connu de ces cancers.
Pour en savoir plus :
Klu Y, Amazouz H, Canonico M, Guénel P, Kvaskoff M, Severi G, Radoi L, Auguste A. Association Between Hormonal Factors and Risk of Lung and Upper Aerodigestive Tract Cancer in French Women: The E3N Prospective Cohort Study. Cancer Rep. 2025 Jun;8(6):e70223.
Télécharger l’article scientifique publié dans Cancer Reports (en anglais)




